Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/140

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rédacteurs comme un tenancier ses filles d’amour, dont la dernière arrivée est toujours fêtée et prônée, accorda tout de gô la situation demandée. Avec sa grosse voix et ses roulements d’épaules, jovial et dominateur, il cria, en entrant dans sa salle de rédaction, au nez des journalistes ébahis : —Ah ! elle est bien bonne, celle-là !… Savez-vous, mes vieilles volailles, c’était son vocable d’amitié et de bonne humeur, ce que vient faire ici ce cadet-là ?… Eh bien ! il vient vous faire la barbe à tous ! Il a du talent à revendre, ce marque-mal ! Il a l’air sournois et grognon ! Une dégaine de pion renvoyé ! Avec ça, il est myope, et le voilà ficelé comme un cordonnier… Ça ne fait rien, il vous fera le poil à tous… c’est lui qui aura le Salon !… termina-t-il, en relevant la basque de sa jaquette et en se flanquant une lourde claque sur sa grosse fesse, ce qui était sa façon la plus cordiale de témoigner sa satisfaction. Avec ses familiarités d’excellent homme, bourru bienfaisant, Villemessant présentait, poussait en avant, dans la salle de rédaction, Zola, timide d’aspect, craintif de maintien, hardi en dessous, ne doutant pas un seul instant de sa force, de son pouvoir, avec des ambitions de Sixte-Quint pénétrant dans le conclave. Les rédacteurs, en dissimulant des grimaces, firent bon accueil au nouveau venu. Les mains, une à une, se tendirent. Le protégé du patron, cependant, n’aurait qu’à bien se tenir. Ces poignées de mains, là, s’il n’était pas aussi fort qu’on le disait, se changeraient vite en étau, et l’on ne tarderait pas à lui serrer la vis ! Zola débuta donc ainsi, comme critique d’art, dans un journal très lu, très parisien. J’ai cru devoir insister sur cette entrée de Zola dans