Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/143

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il y eut, comme toujours, exagération et parti pris. Les mépris excessifs que proclament, à l’égard des aînés, les nouveaux venus en art, sont toujours en proportion des admirations outrées pour les renommées établies. Zola apparaissait donc comme un révolutionnaire, un sans-culotte artistique. Villemessant le laissait terroriser le monde pictural. Il s’amusait des fureurs que soulevait « son » critique. Cela faisait de la réclame au journal. Mais les intérêts alarmés des marchands de tableaux, et aussi des peintres ayant commandes et acquéreurs, et redoutant le changement de goût de la clientèle, se coalisèrent. La publicité payante du Figaro fut menacée. Alors Villemessant se fâcha, et prit parti contre le salonnier. Il lui enjoignit de terminer sa campagne en cinq secs. Zola dut se soumettre. Il fit aussitôt paraître, chez l’éditeur Julien Lemer, ces articles inachevés qui figurèrent ensuite dans le volume Mes Haines. Le vent de la faveur tournait. Le critique d’art évincé avait donné à l’Événement quelques portraits littéraires de contemporains fameux, signés Simplice, du titre d’un de ses Contes à Ninon. Ces articles, publiés sous la rubrique Marbres et Plâtres, passèrent inaperçus. D’autres « fantaisies », insérées dans le Figaro, ne furent ni attaquées ni louées. Ceci déplut à Villemessant. Ce petit méridional, qui avait eu l’air de vouloir tout avaler, en arrivant, ne mordait plus. Il n’avait donc que des dents de lait ? Il était temps de passer à un autre, à un plus fort, comme chez Nicolet. Zola résolut de se cramponner à la corde qui cassait. Il ne voulait pas se noyer. Il obtint du patron qu’il l’essayât dans un autre genre : le roman. Villemessant consentit encore à tenter cet essai, et à laisser au tenace provençal qui « le bottait », comme il disait en son langage trivial, une