Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/179

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semaines. Il ne fallait donc plus compter sur le journalisme pour végéter à Marseille, et il devenait urgent, pour la famille Zola, que son chef dénichât un emploi sérieux, une situation lucrative, des appointements réguliers. Avec une souplesse d’esprit et une décision remarquables, chez un homme vivant à l’écart des événements politiques et ne fréquentant guère les milieux militants, Zola résolut d’aller solliciter une fonction auprès du gouvernement de la Défense. Les principaux membres de ce gouvernement provisoire venaient d’arriver à Bordeaux. Il connaissait l’un des gouvernants, l’excellent et tant soit peu ridicule Glais-Bizoin, l’homme au crâne pointu. Il l’avait rencontré à la Tribune, journal ennuyeux, mais d’un républicanisme précurseur, que, sous l’empire, avait dirigé Eugène Pelletan. Glais-Bizoin, devenu tout-puissant, —il était membre du gouvernement, comme député de Paris au Corps Législatif défunt, —accueillit favorablement son ancien collaborateur. Il lui reprocha même de ne s’être pas pressé davantage pour venir offrir ses services, à Tours. Il l’utilisa, pendant quelque temps, comme secrétaire, et le recommanda à Clément Laurier pour une situation quelconque. Zola, rassuré, fit venir à Bordeaux sa femme et sa mère, et attendit, sans trop d’impatience, la fonction promise. Il avait emporté avec lui le manuscrit inachevé de la Curée, et il le regardait avec attendrissement, en soupirant : « Quand pourrai-je me remettre à ce roman ? Quand paraîtra-t-il ? » Et il en arrivait, dans l’étourdissement du tumulte ambiant, dans l’effarement du cauchemar réel de l’invasion, à se demander si l’on imprimerait encore des romans, et s’il y aurait toujours une