Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/188

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seraient heureux de pouvoir s’en servir, et de trouver, en outre, quelques subsides. —Quelle est votre opinion sur la critique ? —En France, répondit avec force Zola, on ne fait pas de critique. Je pourrais même dire qu’on n’en a jamais fait ! Tous nos critiques ont des amitiés à ménager, sinon des intérêts à préserver. D’ailleurs, le métier de critique est un casse-cou. Soyez franc : au bout de quelques jours, vous n’avez plus que des ennemis. Aussi je trouve que les vieux sont trop compromis par leurs relations. J’estime que ce sont les jeunes qui devraient faire de la critique. Ils se tremperaient, ils se fortifieraient ainsi. Ce serait, en quelque sorte, pour eux, le baptême du feu… —Ne vous est-il jamais venu à l’idée d’avoir la direction d’un journal dans lequel vous défendriez et propageriez vos idées ! —On m’a fait des propositions dans ce sens. Même, il y a huit jours, l’entreprise a été sur le point d’aboutir. Aujourd’hui mes travaux littéraires ne me permettraient pas d’accepter une telle responsabilité. Cependant, je ne dis pas que, plus tard, cette idée ne sera pas mise à exécution. —Vous publieriez alors un journal politique ? —C’est-à-dire que je ferai l’ancien Figaro, en déposant un cautionnement au Trésor pour avoir, à l’occasion, le droit de traiter les questions politiques. Je prendrai les événements et les hommes de très haut. Je ferai table rase des calculs et des convoitises. Je ne m’inféodorai à aucune coterie, et je tiendrai sur tout mon franc-parler. Je crois qu’un tel journal réussirait. En tout cas, ce serait un curieux document pour l’avenir… Zola journaliste mérite donc l’attention, et, sans le préjugé de la spécialisation et du cantonnement des genres, dont sont férus la plupart des bavards de salons et des plaisantins de bureaux de rédaction, qui font l’opinion, on ne considérerait pas, comme une partie négligeable de son œuvre, ses articles. Il en a réuni un grand nombre en volumes, et ces productions passionnées, toutes vibrantes de conviction, méritent d’être retenues et considé