Dans ce roman, remarquable à plusieurs titres, et qui mériterait de ne
pas demeurer enseveli dans les ossuaires des quais, rien ne rappelle ni
les procédés de composition, ni le style, ni la mise en œuvre large et
colorée d’Émile Zola. C’est sec comme une tartine d’enfant puni. Pas de
descriptions éclatantes ou poignantes. Un décor vaguement brossé. Des âmes
indécises et des corps mollasses. Non, Zola n’a rien emprunté à ce sobre
et constipé Duranty. S’il eût conçu le sujet du « Malheur d’Henriette
Gérard », il eût autrement dépeint ce milieu de petite ville, et fait vivre
et souffrir plus rudement ces bourgeois, en somme paisibles et incolores.
C’est de même sans imitation de Flaubert que Zola a dessiné son plan et
construit son œuvre. Il fut l’ami et l’admirateur de Gustave Flaubert
(l’amitié et l’admiration se trouvèrent réciproques), mais non pas
son élève. Le style de ces deux grands romanciers est sans doute tout
empanaché du même plumet romantique. Ils ont eu beau s’en défendre, leurs
œuvres sont écrites avec la grandiloquence, la couleur et la truculence
des Théophile Gautier et des autres matamores de 1830. Voilà ce que Zola a
de commun avec Flaubert : ce sont deux grands peintres sortis de l’atelier
Hugo. Loin de moi l’idée de rabaisser le grand et robuste Flaubert. Mais,
d’abord, sa puissance créatrice, son génie architectural, sa stratégie de
général d’une armée de personnages à faire mouvoir ne sont-elles pas fort
inférieures aux mêmes qualités, dont les Rougon-Macquart nous offrent un
si prodigieux développement ? Il n’y a pas lieu de faire ici un parallèle
classique, et je ne suis pas Plutarque, bien que j’écrive la vie d’un
homme illustre. Mais la puissance littéraire de Zola, affirmée par une
œuvre considérable, monumentale, savamment ordonnée et magistralement
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