Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/238

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comme le physiologiste opère sur les corps vivants. La méthode expérimentale dans les lettres déterminerait les phénomènes individuels et sociaux, dont la métaphysique n’avait pu donner que des explications irrationnelles et surnaturelles. Imbu de ces idées d’application des procédés scientifiques aux études littéraires, prenant pour épigraphe de son nouveau roman, Thérèse Raquin, cette phrase de Taine : « Le vice et la vertu sont des produits comme le sucre et le vitriol », Émile Zola avait trouvé sa voie nouvelle, et déjà la conception première des Rougon-Macquart se dessinait, s’agrégeait et se constituait dans son esprit. Il établit ce raisonnement : faire une œuvre littéraire, qui soit un ouvrage issu, non pas de l’imagination, et de la combinaison plus ou moins heureuse de personnages fictifs et d’aventures exceptionnelles, mais fondé sur l’observation des faits de la vie courante, sur l’examen des hommes et des choses qu’on rencontre, qu’on voit, sur lesquels on a des analyses et des procès-verbaux, en se préoccupant des phénomènes biologiques, des maladies, des infirmités, des tares et des prédispositions de ces êtres, avec sincérité et sang-froid étudiés. Il ébaucha vaguement un plan, vaste et varié, qu’il résumait ainsi, dans ses songeries d’avenir, de travail et de gloire : Tracer un tableau de la société actuelle, placer les personnages de l’action à imaginer dans leur milieu réel, et montrer les actes, les passions, les crimes, les vertus, les souffrances et les résignations de ces êtres, aussi vivants, aussi exacts, aussi contemporains que possible, provenant de leur organisme, des affections transmises par l’hérédité, des legs funestes ou favorables des parents.