Le changement prodigieux qui, avec la République, s’accomplit dans la direction des affaires, dans la classification et la compétition des partis, dans la finance, dans les grands travaux, dans l’industrie, dans les mœurs, dans les goûts et les préoccupations des Français devenus républicains, lui aurait fourni des éléments nouveaux et des champs d’observation autres. Les conséquences, pour la fortune publique comme pour les spéculations privées, du paiement anticipé de l’indemnité de guerre, l’effort et le coup de collier nécessaires pour réparer les ruines de l’invasion, les modifications considérables apportées aux organisations politiques et judiciaires, l’avènement aux affaires de ces nouvelles couches sociales, saluées par Gambetta, dans son discours prophétique de Grenoble, la presse démuselée, le monde du travail commençant à se grouper, et à postuler sa place au soleil, enfin, le service militaire pour tous et l’obligation de l’instruction primaire, ces deux grands actes révolutionnaires, accomplis sans bruit ni désordre, eussent assurément trouvé place dans son œuvre. Les Rougon-Macquart se fussent rapprochés de nous, insensiblement et fatalement. Quels tableaux mouvementés et quels milieux intéressants lui eussent présentés les années de lutte, de formation et de développement de la Troisième République ! Mais il s’était enfermé volontairement dans le cercle d’années allant du coup d’État à l’invasion. A un certain point de vue, cette limitation fut bonne. La disparition du régime impérial donnait à l’écrivain plus de latitude, on pourrait dire plus de licence. Il n’avait plus à redouter les interdictions ni les poursuites. Sans craindre de voir s’abattre sur son manuscrit la patte des policiers, il lui devenait permis de peindre la société impériale, telle
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