Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/273

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c’était une hardiesse dont il faut savoir gré au directeur du Siècle : ce journal, au fond très bourgeois, avait l’originalité d’accueillir les romanciers nouveaux et audacieux. Par suite de difficultés ultérieures, probablement des dénigrements et des résistances provenant de personnes influentes dans la maison, la Fortune des Rougon subit d’assez longs retards, avant d’être définitivement annoncée. On semblait, au Siècle, avoir des regrets, et aussi des craintes. L’auteur de Thérèse Raquin commençait à effrayer. Une rumeur hostile le précédait. Enfin, on passa outre, et le roman parut. La publication fut tourmentée, comme l’époque où elle débutait. Le premier feuilleton de la Fortune des Rougon était inséré à la fin de juin 1870. Trois semaines après, la guerre l’interrompait. L’auteur crut qu’il ne serait jamais repris et terminé. Il s’en fallut de peu que les derniers chapitres ne fussent pas tels que l’auteur les avait conçus et écrits. Au milieu du désarroi de l’invasion, le manuscrit, remis complet à l’imprimerie du Siècle, avait été égaré. Il ne pouvait être question de récrire en hâte les feuilletons manquant. Le tour d’insertion, que l’auteur avait à grand’peine obtenu, allait lui échapper, et, au lieu de reprendre une publication, ayant perdu de son intérêt, coupée par les deux sièges, le journal donnerait un autre roman, ajournant indéfiniment la continuation de cet ouvrage, considéré comme terminé, déjà probablement oublié, enterré. Heureusement, dans le tiroir du correcteur, les principaux feuillets perdus furent retrouvés, et, après une interruption de huit mois, et quels mois ! les lecteurs du Siècle purent reprendre la lecture des événements dont Plassans était le théâtre, en 1851. L’œuvre malchanceuse n’eut aucun