Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/274

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succès. La Fortune des Rougon parut en librairie, l’hiver suivant, selon le traité antérieurement signé, chez l’éditeur Lacroix. Une seule édition fut mise en vente. C’était sans doute, pour le jeune auteur, l’aube de la gloire, mais combien grise, et même morose ! L’édifice rêvé, combiné, aux plans arrêtés, existait, cependant, et ses fondations étaient sorties. La construction était visible déjà, et l’avenir appartenait à son architecte. Le reste importait médiocrement. Pour ceux qui savaient lire avec intuition, une force se révélait dans ces pages solides, et les forts piliers indiquaient un vaste monument futur. Un vigoureux talent venait de se lever. Nous n’étions guère alors qu’une faible poignée de clairvoyants, une bande en partie désarmée ou dispersée, à la suite des événements de 1871 pour élever la voix, et saluer cette montée d’un astre inconnu sur l’horizon littéraire. Les admirateurs de Zola disposaient de journaux timorés. Le silence de la répression terrible emplissait le pays. Nos bravos prématurés ne furent pas même hués. On ne fit attention ni à nous ni à notre auteur. J’écrivais pourtant ceci, dans le Peuple Souverain de 1872 : Dès le sous-titre « histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire », dès la première page, nous sommes avertis de la sévérité et de l’importance scientifique de l’œuvre. Nous ne sommes pas en présence d’une fantaisie d’imagination, d’une simple fiction propre à faire passer les heures. L’auteur ne songe pas un instant à nous amuser à l’aide d’aventures plus ou moins extraordinaires et captivantes. Ce n’est pas une frivole distraction que ce livre hardi et coloré. C’est une étude sévère qui fait penser. Nous sommes prévenus qu’il s’agit d’un travail de savant, d’une œuvre de science, d’un essai de littérature expérimentale, fondée sur l’observation et ayant pour objet l’expression de la vérité moderne, l’analyse de la vie. La méthode de l’auteur se révèle,