Ainsi le drame humain se déroule avec sa musique de scène. On remarquera à
tout instant cette communion profonde, dans l’œuvre de Zola, de l’homme
avec la nature, de l’être et de la chose, de l’objectif et du subjectif.
Ce mélange intime et constant de l’élément animé et de l’élément inanimé,
cet accouplement de l’espèce vivante et de l’inorganique, voilà une des
plus précieuses conquêtes de l’école naturaliste. Le grand romancier
anglais, Dickens, a beaucoup appliqué cette méthode ; souvent, il faut le
dire, avec exagération et sans utilité. Le romancier français y a mis plus
de mesure, partant, plus d’art.
Après le décor, après la symphonie, après la traduction, avec le mot, des
bruits, des rumeurs, des souffles, de ce qui est confus et incohérent,
après la perception donnée au lecteur de l’air ambiant, de l’atmosphère
dans laquelle se meut cette foule qu’on entend marcher dans l’ombre, par
cette nuit mémorable de décembre, voici la description des contingents
divers des campagnes provençales soulevées pour la défense de la loi,
de la justice et de la République. Il y a là un dénombrement des bandes
armées, au fur et à mesure qu’elles défilent devant Silvère et Miette,
qui est majestueusement épique. Et de ce magnifique tableau, avec un art
infini de composition, l’écrivain a détaché en pleine lumière Miette, dont
la pelisse est retournée du côté de la doublure rouge, ce qui en fait un
manteau de pourpre. Dans la blanche clarté de la lune, le capuchon de
sa mante arrêté sur son chignon, bonnet phrygien improvisé, elle serre,
contre sa poitrine d’enfant, le drapeau que les insurgés lui ont confié.
Fière, heureuse, grandie, la fillette qui prend, sans s’en douter, la
stature héroïque d’une Jeanne d’Arc ou d’une Velléda, murmure à Silvère
avec un sourire naïf et sublime à la fois :
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