Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/301

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queue derrière d’encombrantes médiocrités, aujourd’hui balayées, attendant qu’on lui accordât audience. L’Assommoir donna le coup d’épaule nécessaire et l’auteur entra d’un bond dans la pleine célébrité. Il fut non seulement connu, classé, mais aussi fut-il désormais discuté, injurié, admiré. Il devint quelqu’un. Il ne fut plus permis de l’ignorer. On dut, sans doute, presque partout, accabler de mépris et d’insultes sa personnalité, son talent, mais il était interdit de ne pas savoir qui il était. Sans ce retentissant ouvrage, Zola serait demeuré un romancier estimable, raccrochant ici et là, d’un confrère bienveillant, un éloge, et d’un grincheux, un éreintement ; tout cela sans portée, sans intérêt pour la foule. Il eût disparu, inhumé dans les dictionnaires encyclopédiques et les bibliographies, entre divers écrivains également enterrés vivants, comme Champfleury, Duranty, Charles Bataille, Marc Bayeux et autres contemporains, plus ou moins morts-nés, conservés dans les bocaux de l’érudition frivole. Zola était littérairement perdu. On le classait, depuis la Faute de l’abbé Mouret, parmi les fantaisistes, les poètes en prose, gens qu’on lit peu, et après Son Excellence Eugène Rougon, parmi les ennuyeux, gens qu’on n’achète jamais. Son éditeur, malgré l’amitié qui existait entre eux, eût fatalement espacé les publications de ses œuvres, de moins en moins attendues par le public, et les secrétaires de journaux se seraient empressés de déposer ses feuilletons dans l’armoire bondée, où s’étagent les manuscrits destinés à ne jamais connaître les rouleaux d’imprimerie. Il fallait presque un miracle pour que son nouveau roman trouvât un journal pour le publier et des lecteurs pour le lire. Le miracle se produisit. Voici son explication,