Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/308

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de Zola. D’autant plus que l’argot employé par lui est plutôt poncif, et hors d’usage. C’est un idiome excessivement variable que ce jars ou jargon. Il se forme et se déforme avec une surprenante spontanéité et une diversité continue. Une vraie végétation cryptogamique. Elle se développe rapidement sur le fumier des villes. Ceux qui usent de ces vocables étranges se proposent surtout de parler une langue à eux, une langue secrète. Il s’agit de ne pas être compris par tous, de se faire entendre des seuls initiés. L’argot des personnages de L’Assommoir était déjà démodé au temps où Denis Poulot en mettait des expressions sur les lèvres de ses ouvriers du Sublime. Il serait incompréhensible et ridicule aujourd’hui. Celui qui, même à l’époque où Zola place ses personnages, eût répété, dans un assommoir quelconque, les expressions que l’auteur prête à Bibi-la-Grillade ou à Mes-Bottes, eût provoqué chez les copains un ahurissement analogue à celui qui, dans un salon, accueillerait un jeune provincial s’imaginant qu’il est toujours d’usage, à Paris, de mâcher les r, comme les incroyables du Directoire. Le terme même d'assommoir n’a jamais été employé, au moins couramment ; on disait, et l’on dit encore, parmi ceux qui fréquentent ces endroits populaires : bistro, mannezingue, mastroquet, abreuvoir, etc. L’Assommoir était simplement le sobriquet d’un cabaret de Belleville. Une chanson, grossière, de Charles Colmance avait donné une notoriété à cette guinguette. Voici le couplet de cette chanson, dont le refrain était : « J’suis-t-y pochard ! »

À l’Assommoir de Bell’ville,
Au vin à six sous,
À propos d’une petite fille,