Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/315

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moment des désordres provoqués dans la rue par la police, à la fin de l’Empire, ce furent les souteneurs, descendus de Ménilmontant, qui formèrent les contingents des fameuses Blouses Blanches : Lantier, certainement, se fût trouvé parmi eux. Ajoutons que ce personnage, le vagabond spécial, comme on dit aujourd’hui en termes judiciaires, assez facile à se représenter, et dont les exemplaires sont fort nombreux sous nos yeux, n’est pas non plus exactement observé, ni pris dans la réalité. Lantier, c’est l’homme qui débauche une femme mariée, établie, et qui l’entraîne à la ruine, à la déchéance, à la mort. C’est un traître de mélo. Ce n’est pas l’un de ces pourvoyeurs qui pullulent aux abords des ateliers, des magasins, des gares. Ils guettent les jeunes filles coquettes et frivoles, les provinciales venant à Paris, à la suite de couches, les domestiques sans places, les femmes lâchées par un amant volage, et, quand ils se sont emparés de ces proies faciles, ils s’efforcent, en les cajolant, en les brutalisant aussi, de les « mettre au truc », c’est-à-dire de les envoyer sur le trottoir ramasser, dans la boue de l’amour vénal, les subsides nécessaires à leur entretien, à leurs plaisirs. Beaucoup sont les amants de filles d’amour leur rapportant le salaire ignominieux, le jour de sortie de la maison close. Lantier, bien qu’exploitant la tendresse de Gervaise, la poursuivant, la dominant, agit plutôt en amant ordinaire de femme mariée, et ce n’est pas du tout le don Juan du « tas », pilotant et rançonnant la malheureuse ouvrière d’amour, qu’il change fréquemment, et avec laquelle il ne mène nullement l’existence du ménage à trois. Zola nous a donné un souteneur romanesque, idéalisé, fictif, après Gervaise, poursuivant Mme Poisson, ou toute autre femme mariée ; les scombres