Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/333

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le docteur, pour le rendre jaloux à son tour. Cette jalousie de l’enfant, cette répugnance envers l’homme qui peut embrasser sa mère est une trouvaille d’observation. Les passions toutes féminines de cette enfant maladive sont fouillées de main de maître. Enfin, l’adultère se consomme. Un accident. La rencontre fortuite et décisive des deux amants est amenée d’une façon sobre et dramatique à la fois. Donc Hélène se trouve seule avec Henri, et l’acte s’accomplit. Hélène s’éloigne, surprise des baisers qu’elle vient de recevoir, et de rendre. En rentrant, elle trouve Jeanne toute blanche, dormant, la joue sur ses bras croisés, près de la fenêtre ouverte, les vêtements trempés par un orage formidable qui a éclaté sur Paris. La petite fille, que sa mère a laissée seule, pendant l’orage, a eu, durant ces longues heures d’attente, une sorte de vision. Intuition ou pressentiment, sa jalousie l’a éclairée. Elle a compris que quelqu’un prenait définitivement possession de sa mère. Alors, quand Hélène rentre, mouillée, crottée, harassée, Jeanne se recule, de l’air sauvage dont elle fuit devant la caresse d’une main étrangère. Son odorat subtil ne retrouve plus l’odeur familière de la verveine. Elle ne reconnaît plus la voix de sa mère. Sa peau même semble changée, et son contact l’exaspère. Elle se dit que sa mère n’est plus la même ; que c’est bien fini, et qu’elle n’a plus qu’à mourir, et elle meurt en effet. Pour la mère, quand elle sort du cimetière, pour fuir à jamais la présence de cet Henri, qui l’a prise pour une heure, et qui lui a pris sa fille pour toujours, afin sans doute de détruire toute pensée de retour subséquent, et peut-être aussi pour étancher une soif passionnelle, un besoin d’aimer et d’être aimée, qu’elle ne connaissait pas auparavant et qui la brûle maintenant, elle met sa