Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/334

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main dans la main de ce brave homme grisonnant qui l’adore depuis si longtemps. Au bout d’un an, les époux, dans un voyage à Paris, entre deux emplettes, vont faire une visite à la fosse de la petite Jeanne, puis retournent à leurs affaires, à leurs plaisirs aussi. Tel est l’épilogue impitoyable d'Une Page d’Amour. Le livre se termine avec cette simplicité et dans cette banalité paisible et cruelle, qui sont la vie même. Il y a, dans cet ouvrage, pour moi l’un des meilleurs de Zola, celui où Balzac a été non seulement égalé, mais même, en maint endroit, dépassé, d’amusants et curieux personnages secondaires, comme le beau Malignon, dont l’amusante silhouette de gommeux, quelque peu naïf, se détache si nette et si vraie, ou comme cette Pauline, la grande sœur qui entend, les oreilles larges ouvertes, les légers propos mondains, et, à la veille d’être mariée, joue encore à la petite fille étourdie, bruyante et garçonnière ; quelques tableaux, d’après nature, sont admirablement enlevés : les conversations oiseuses des bourgeoises élégantes en visite dans le jardin, —la soirée de Mme Deberle, —la scène d’amour dans la chambre rose, et aussi ce délicieux croquis de la petite Jeanne jouant toute seule à la Madame en course d’emplettes dans Paris, et faisant arrêter Jean, un cocher imaginaire, à la porte de fournisseurs invisibles. Deux scènes sont remarquables entre toutes : le bal d’enfants et l’enterrement. À ce bal, le petit Lucien, le fils du docteur, et, comme tel, maître minuscule de la maison, est en marquis. Un mignon petit marquis, haut comme ça, avec l’habit de satin blanc broché de bouquets, le grand gilet brodé d’or et les culottes de soie cerise. De plus, orgueil inexprimable, il porte l’épée en quart de civadière. Comme un familier du Régent, il a le tricorne sous le