Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/335

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bras, la tête poudrée. On lui a appris à saluer et à offrir le bras. Il est charmant. Il conduit à leur place, selon la leçon qui lui a été faite, d’un air tout à fait marquis, les petites laitières, les chaperons rouges, les espagnoles, les pierrettes qui font leur entrée dans le salon. Mais, quand sa petite amie Jeanne arrive, il n’offre plus le bras à personne, et lui dit brusquement et ardemment : « Si tu veux, nous resterons ensemble ! » Tout marquis doit avoir sa marquise, dame ! C’est qu’aussi Jeanne est si charmante ! Elle porte un costume de japonaise, la robe brodée de fleurs et d’oiseaux bizarres, tombant jusqu’aux pieds. Son haut chignon est traversé de longues épingles, et l’enfant, au fin visage de chèvre, semble une véritable fille d’Yeddo marchant dans un parfum de benjoin et de santal. La fête enfantine se poursuit. Une bousculade joyeuse d’enfants bariolés, nappe de têtes blondes, où ondulent toutes les nuances du blond « depuis la cendre fine jusqu’à l’or rouge avec des réveils de nœuds et de fleurs » . Puis c’est le goûter avec sa salle féerique, où sont entassés tous les gâteaux, toutes les sucreries que la plus inventive gourmandise peut faire concevoir, « un goûter gigantesque, comme les enfants doivent en imaginer en rêve, un goûter servi avec la gravité d’un dîner de grandes personnes » . Après le goûter, c’est la danse : spectacle fantastique et charmant que « ce carnaval de gamins, ces bouts d’hommes et de femmes qui mélangeaient là, dans un monde en raccourci, les modes de tous les peuples, les fantaisies du roman et du théâtre. On aurait dit le gala d’un conte de fées, avec des amours déguisés pour les fiançailles de quelque prince charmant. » Comme contraste à ce tableau d’une couleur si délicate,