Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/349

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Françoise et l’étranglement du père Fouan, roi Lear paysan à qui manque une Cordélia ; il se produit aussi d’analogues scélératesses dans les milieux les plus urbains. Les actes et les pensées de ces bœufs de labour, comme Zola les a reproduits, sont acceptables et normaux. Ils peinent sans grande satisfaction autre que le travail et l’économie, avec l’espoir de l’agrandissement, de l’acquisition. Ils portent le faix des impôts, proportionnellement le plus lourd, le plus inégal. Ils fournissent le plus fort contingent aux casernes, en temps de paix ; à la guerre, c’est eux qui offrent la plus large cible aux mousqueteries. Régulièrement, patiemment, avec une précision astronomique, selon le cours des saisons, ils ensemencent, ils cultivent, ils moissonnent, et c’est grâce à eux que la vie ordinaire est possible. Quand le paysan, comme on l’a vu sous la Terreur et durant les invasions, cesse de féconder la glèbe ou d’approvisionner les villes, l’horloge sociale semble s’être arrêtée, et tout un pays est terriblement désheuré. Les campagnards vivent dans une angoisse perpétuelle, les yeux tour à tour abaissés anxieusement vers la récolte qui pousse, ou sondant avec terreur le ciel où l’orage gronde. Ils maudissent et craignent à toute heure la pluie, la sécheresse, le vent, la grêle, les inondations, les insectes voraces, les maladies sur les végétaux, les épizooties dévastant les étables. Ils ignorent les plus délicates jouissances humaines, les sensations d’art, la conversation légère et gaie, les impressions de la nature ; ils passent leur existence au milieu des plus admirables paysages, sans en être émus ; ils sont comme des sourds, si par hasard de la bonne musique résonne à leur portée ; devant un beau tableau, ils sont aveugles ; leur cerveau semble toute matière brute. L’amour, ils ne le connaissent