Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/354

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vivant parmi les paysans, amassant des documents personnels, intimes, analysant patiemment des tempéraments de ruraux, recommençant enfin le superbe travail de l’Assommoir. L’espoir d’un chef-d’œuvre tenait tout le monde en silence. Certes, le sujet simple et large promettait des révélations curieuses. La Terre a paru. La déception a été profonde et douloureuse. Non seulement l’observation est superficielle, les trucs démodés, la narration commune et dépourvue de caractéristiques, mais la note ordurière est exacerbée encore, descendue à des saletés si basses que, par instants, on se croirait devant un recueil de scatologie : le Maître est descendu au fond de l’immondice. Eh bien ! cela termine l’aventure. Nous répudions énergiquement cette imposture de la littérature véridique, cet effort vers la gauloiserie mixte d’un cerveau en mal de succès. Nous répudions ces bonshommes de rhétorique zoliste, ces silhouettes énormes, surhumaines et biscornues, dénuées de complication, jetées brutalement, en masses lourdes, dans des milieux aperçus au hasard des portières d’express. De cette dernière œuvre du grand cerveau qui lança l Assommoir sur le monde, de cette Terre bâtarde, nous nous éloignons résolument, mais non sans tristesse. Il nous poigne de repousser l’homme que nous avons trop fervemment aimé. Notre protestation est le cri de probité, le dictamen de conscience de jeunes hommes soucieux de défendre leurs œuvres, —bonnes ou mauvaises, —contre une assimilation possible aux aberrations du Maître. Volontiers nous eussions attendu encore, mais désormais le temps n’est plus à nous : demain il serait trop tard. Nous sommes persuadés que la Terre n’est pas la défaillance éphémère du grand homme, mais le reliquat de compte d’une série de chutes, l’irrémédiable dépravation morbide d’un chaste. Nous n’attendons pas de lendemain aux Rougon : nous imaginons trop bien ce que vont être les romans sur les Chemins de fer, sur l'Armée ; le fameux arbre généalogique tend ses bras d’infirme sans fruits désormais !