Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/353

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On ne demandait pas mieux que de croire, et même quelques jeunes avaient, par le besoin d’exaspérer le bourgeois, exagéré la curiosité du savant. Mais il devenait impossible de se payer d’arguments : la sensation nette, irrésistible, venait à chacun, devant telle page des Rougon, non plus d’une brutalité de document, mais d’un violent parti pris d’obscénité. Alors, tandis que les uns attribuaient la chose à une maladie des bas organes de l’écrivain, à des manies de moine solitaire, les autres y voulaient voir le développement inconscient d’une boulimie de vente, une habileté instinctive du romancier, percevant que le gros de son succès d’éditions dépendait de ce fait, que « les imbéciles achètent les Rougon-Macquart, entraînés, non pas tant par leur qualité littéraire, que par la réputation de pornographie que la vox populi y a attachée. » Or, il est bien vrai que Zola semble excessivement préoccupé (et ceux d’entre nous qui l’ont entendu causer ne l’ignorent pas) de la question de vente ; mais il est notoire aussi, qu’il a vécu de bonne heure à l’écart et qu’il a exagéré la continence, d’abord par nécessité, ensuite par principe. Jeune, il fut très pauvre, très timide, et la femme, qu’il n’a point connue à l’âge où l’on doit la connaître, le hante d’une vision évidemment fausse. Puis, le trouble d’équilibre qui résulte de sa maladie rénale contribue sans doute à l’inquiéter outre mesure de certaines fonctions, le pousse à grossir leur importance. Peut-être Charcot, Moreau (de Tours) et ces médecins de la Salpêtrière qui nous firent voir leurs coprolaliques pourraient-ils déterminer les symptômes de son mal… Et, à ces mobiles morbides, ne faut-il pas ajouter l’inquiétude, si fréquemment observée chez les misogynes, de même que chez les tout jeunes gens, qu’on ne nie leur compétence en matière d’amour ?… Quoi qu’il en soit, jusqu’en ces derniers temps encore, on se montrait indulgent ; les rumeurs craintives s’apaisaient devant une promesse : la Terre. Volontiers espérait-on la lutte du grand littérateur avec quelque haut problème, et qu’il se résoudrait à abandonner un sol épuisé. On aimait se représenter Zola