Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/356

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leur offrait le téméraire Bonnetain, les quatre exorcistes ne se rendirent pas compte de la singularité, et aussi de la naïveté de leur anathème. Il leur était permis individuellement, dans des articles isolés, de blâmer, de critiquer Zola. Ils eussent alors fait chorus avec les pompiers des salons et les prudhommes de la presse. Ils se montraient rétrogrades et amis du poncif, mais ils ne s’affirmaient pas comme des étourneaux voletant à l’aventure, et se brisant le bec sur l’armature solide d’un phare éblouissant. Ces écoliers tapageurs étaient extraordinaires aussi en donnant à leur opinion la forme d’un manifeste, d’une déclaration de principes, presque d’un programme de parti. Ils semblaient parler au public, au nom de toute la littérature française. On remarquera deux des griefs principaux : Zola avait le tort d’habiter la campagne, et de vendre beaucoup d’éditions ! Et puis, n’est-ce pas à pouffer, cette protestation « au nom d’ambitions saines et viriles », rédigée par l’onaniste Bonnetain, et quel rire doit s’emparer aujourd’hui de Descaves ou de Rosny, quand ils se souviennent qu’ils ont contresigné « la tenue et la dignité » de la littérature de Charlot s’amuse. Ce qu’il y avait de plus cocasse dans l’excommunication, c’est que les cinq n’étaient pas du tout de l’église de Médan. Ils n’avaient pas été admis à l’honneur et à la gloire des fameuses soirées. Ils procédaient comme les sociétaires du club des pieds humides, qui décréteraient que tel membre du Jockey devrait être exclu comme indigne et malpropre. Si les « zolistes », le groupe des Provençaux amis de la première heure, Baille, Cézanne, Marius Roux, si les peintres et les romanciers célèbres qui, dès l’apparition des Rougon-Macquart, firent une escorte d’honneur à l’auteur, Manet, Guillemet, Alphonse Daudet,