Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/357

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avaient refusé de frayer désormais avec le pornographe de la Terre, si enfin les disciples mêmes, les cinq de Médan, les vrais Cinq ceux-là, Maupassant, Huysmans, Hennique, Céard, Paul Alexis, avaient renié leur maître, abandonné leur ami, la condamnation aurait pu paraître injuste, absurde, mais ceux qui l’eussent prononcée n’auraient pu être récusés, comme incompétents. Leur juridiction eût été abominable, mais régulière. Ces justiciers eussent paru des ingrats, mais non des réclamistes prétentieux, un peu cyniques. Ces cinq écrivains, alors peu connus, car ils venaient seulement de publier leur premier livre, sans grand éclat, sauf le Charlot qu’on sait, expulsant Zola de la littérature au nom de la morale outragée, c’était vraiment raide, et le fait, comme bizarrerie, mérite d’être conservé. Émile Zola accepta, avec philosophie, ce sévère et ridicule verdict. Comme un journaliste lui demandait ce qu’il pensait de l’excommunication, il répondit avec la tranquillité de l’archevêque de Paris, à qui des membres de l’armée du salut auraient lancé l’anathème et refusé la communion : —Je ne sais, dit-il au rédacteur du Gil-Blas venu l’interviewer à Médan, ce qu’on pense, à Paris, de cette protestation, qui m’a valu un grand nombre de lettres très bienveillantes de la part de confrères ; mais je sais que, pour ma part, j’en ai été stupéfié. Je ne connais pas ces jeunes gens… Ils ne font pas partie de mon entourage ; ils ne se sont jamais assis à ma table ; ils ne sont donc pas mes amis. Enfin, s’ils sont mes disciples, —je ne cherche point à en faire, —c’est bien à mon insu. Mais, n’étant ni mes amis, ni mes disciples, pourquoi me répudient-ils ? La situation est originale, il faut en convenir. C’est le cas d’une femme avec qui vous n’auriez aucune relation, et qui vous écrirait : « J’en ai trop de vous, séparons-nous ! » Eh bien ! la position est analogue…