Voici les grandes lignes de ce roman, qu’il est surprenant qu’un émule de
Busnach n’ait pas encore transporté à la scène :
Le sous-chef de gare Roubaud, passionné, brutal et jaloux, a épousé une
jolie fille, élevée en demoiselle, la protégée du président Grandmorin.
Le mari adore sa femme. La jeune Séverine, un nom bien littéraire pour une
petite campagnarde devenue l’épouse d’un employé, se laisse passivement
aimer. Le ménage est heureux, paisible, honnête. Tout à coup l’accident
surgit, sans lequel il n’y aurait pas de roman. Roubaud découvre que sa
femme l’a trompé, oh ! avant son mariage. Le président Grandmorin, un
satyre en robe rouge, a caressé, frotté, pollué Séverine, à l’âge où la
fleur conjugale charmante n’était encore qu’en bouton. Puis il l’a mariée
à un brave homme d’employé, après lui avoir passé une bague au doigt, en
souvenir des bons moments écoulés dans ses tentatives séniles, au fond de
la solitude propice de la Croix de Maufras, son domaine.
La scène de l’aveu surpris est une des plus poignantes du livre. Roubaud a
interrogé sa femme sur la provenance de la bague, un serpent d’or à petite
tête de rubis. Sottement, inconsciemment, Séverine a répondu que c’était
un cadeau du président, un cadeau ancien, à l’occasion de ses seize ans.
Roubaud s’étonne de cette réponse. L’explication, simple et vraisemblable,
lui semble suspecte, parce que différée.
« Tu m’avais toujours dit, murmure-t-il, soupçonneux, que c’était ta mère
qui t’avait laissé cette bague ?… » Et cette interrogation engendre
aussitôt la défiance. Séverine avait donc menti ? Pourquoi cachait-elle
l’origine de la bague ? Était-ce mal faire que recevoir ce cadeau ? Quoi
d’insolite en ce don du président, qui avait protégé
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