Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/362

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le ménage, et doté la fillette ? Séverine s’enferre dans son mensonge. Elle soutient que jamais elle n’a parlé de sa mère à propos de cette bague. Son insistance étrange et l’embarras de ses dénégations, achèvent d’initier le mari. Il devient très pâle, ses traits se décomposent horriblement. Il jure, menace, et, les poings levés, marchant sur elle finit par crier : « Nom de dieu de garce ! tu as couché avec… couché avec ! » Et il la presse d’avouer, menaçant de l’éventrer. La malheureuse, lasse et terrifiée, se décide enfin à laisser échapper l’aveu : « Eh bien, oui, c’est vrai, laissez-moi m’en aller !… » La fureur du mari, ses brutalités, ses soufflements de fauve, ses questions pressantes, ses investigations douloureuses, les détails qu’il réclame, les torturantes et minutieuses circonstances qu’il exige, tout cela rythmé sourdement par le tapotement affaibli du piano des voisins d’en dessous, présente un tableau dramatique d’une intensité excessive. Les accablements, les sursauts, les préoccupations du lendemain, les hantises du passé, les prostrations et les énergies soudaines, se succédant en son âme désespérée, achèvent ce tableau tourmenté d’un bonheur de mari naufrageant, avec le raccrochement désespéré de la vengeance entrevue. Roubaud crèvera l’homme. Il a son couteau sous la main, ce couteau fouillera la bedaine polissonne du président et, avec le sang qu’il en tirera, lavera la tache. C’est la farouche hantise des maris espagnols, des justiciers domestiques de Calderon, impitoyables médecins de leur honneur. Pour réaliser cette saignée, qui doit, pense-t-il, guérir son honneur blessé et nettoyer la souillure, Roubaud se sert du moyen violent dont usa, au théâtre, le duc de Guise pour contraindre la duchesse à faire venir Saint-Mégrin : il commande à sa femme de donner rendez-