Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/363

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vous au président. Ce chaud lapin fourré d’hermine est à Paris. Il s’agit de l’attirer dans l’express du soir, là on lui fera son affaire. Séverine résiste. Elle ne veut pas donner ce rendez-vous de mort. Alors, … cessant de parler, il lui prit la main, une petite main frêle d’enfant, la serra dans sa poigne de fer, d’une pression continue d’étau, jusqu’à la broyer. C’était sa volonté qui lui entrait ainsi dans la chair, avec la douleur. Elle jeta un cri, et tout se brisait en elle, tout se livrait. L’ignorante qu’elle était restée, dans sa douceur passive, ne pouvait qu’obéir. Instrument d’amour, instrument de mort. Elle écrit donc, et voilà le président déjà à peu près sûr d’avoir son compte réglé à bref délai. Cet aveu surpris, à propos d’une bague que Séverine portait continuellement à son doigt, qui ne devait par conséquent éveiller chez son mari ni questions, ni soupçon, cet homme découvrant qu’il a été cocu avant le mariage, et aussitôt combinant avec une dextérité d’assassin émérite, dans ses moindres détails, la vengeance qu’il projette, la contrainte mécanique à laquelle il a recours pour décider sa femme à devenir sa complice, tout cet ensemble dramatique est certainement entaché d’invraisemblance, mais il ne faut pas oublier que nous sommes en plein feuilleton criminel, et que les personnages sont des impulsifs, des inconscients, des êtres anormaux placés dans des circonstances exceptionnelles, de véritables héros de roman judiciaire. Le crime est rendu avec une grande abondance d’effets d’horreur, et tout se passe dans les conditions ordinaires de ces tableaux farouches destinés à être affichés, peinturlurés, sur les murailles, afin d’attirer la clientèle de l’Ambigu. Le train file à toute vitesse, et l’heure du crime est proche. Naturellement, un témoin est là,