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Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/367

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d’avoir aiguisé un couteau pour l’enfoncer dans le cou d’une autre, une petite blonde qu’il voyait chaque matin passer devant sa porte. Celle-ci avait un cou très gras, très rose, où il choisissait déjà sa place, un signe brun sous l’oreille… Musset décrit ces tentations-là, mais moins sanglantes, quand, au théâtre Français « où l’on ne jouait que Molière », il découvrait « un cou blanc délicat qui se plie, et de la neige effacerait l’éclat » . Jacques, lui, au théâtre, éprouve la furieuse envie d’éventrer une jeune femme, une nouvelle mariée assise près de lui, qui rit très fort. Et la question se pose alors : Puisqu’il ne les connaissait pas, quelle fureur pouvait-il avoir contre elles ? Car, chaque fois, c’était comme une nouvelle crise de rage aveugle, une soif toujours renaissante de venger des offenses très anciennes dont il avait perdu l’exacte mémoire. Cela venait-il donc de si loin, du mal que les femmes avaient fait à sa race, de la rancune amassée de mâle en mâle depuis la première tromperie, au bord des cavernes ? C’est peut-être faire remonter un peu loin la vengeance préhistorique, et les défenseurs de Philippe, de Menesclou, de Soleilland et autres aliénés, grands tueurs de femmes et de fillettes, n’ont jamais essayé de plaider l’atavisme. Cette théorie de la Bête Humaine n’a d’ailleurs qu’un intérêt pathologique secondaire : Jacques, Roubaud, Séverine, Pecqueux, le Chauffeur, tous les personnages du livre, jusqu’au président Grandmorin, dont on n’entrevoit que la silhouette posthume, sont des monstres en dehors de l’humanité, une véritable ménagerie de fauves, que Zola promène dans son œuvre. C’est un peu de la littérature de cirque. Comme dans tous les livres de l’auteur du Ventre de Paris, il y a dans la Bête Humaine, une chose, un