promus généraux, Lannes, Murat, Marceau, Bernadotte, Brune, Junot, Davoust, ont prouvé par leurs victoires qu’on pouvait gagner des batailles, en sortant d’une étude de procureur comme Pichegru, ou de la boutique d’une fruitière comme Hoche. Nos troupes, ajoute-t-on, étaient insuffisamment armées, mal équipées, pas entraînées et déplorablement approvisionnées ? Est-ce que les soldats de l’an II étaient plus favorisés ? Ils se battaient sans jamais avoir fait l’exercice. Quelques-uns n’avaient pas de fusils, et ce n’étaient pas seulement les boutons de guêtre qui manquaient aux fameux bataillons de la Moselle, en sabots ! En réalité, toutes les grandes batailles de la Révolution ont été gagnées par des gardes nationaux ou à peu près. Ces volontaires, dit-on, et on a cherché à rabaisser leur mérite, avaient d’admirables cadres de l’ancien régime ; c’est possible, mais les régiments de 1870 étaient aussi parfaitement encadrés. Ces soldats improvisés de la République, ces vainqueurs de Jemmapes et de Fleurus avaient ce qui manquait aux vieilles troupes de Napoléon III : la foi ! Elle déplace, prétendait-on autrefois, les montagnes, aujourd’hui elle avance ou recule les frontières. C’est ce défaut d’élan, de confiance, ce manque d’espoir et cette fuite de volonté, que Zola a parfaitement saisi et rendu dans sa synthèse imparfaite de l’invasion de 70. Les premières pages du livre sont peut-être les meilleures. Le harassement, la courte haleine et le manque de nerfs de cette cohue désordonnée, battue sans s’être battue, qu’il nous montre, jetant sacs et fusils aux orties, ces soldats geignant, traînant, mauvais desservants de l’autel de la patrie, blasphémant en face du
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