Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/375

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laissé faire, parce qu’elle n’a pas serré les jambes, et mordu l’agresseur, ainsi que doit se comporter la fille qui ne veut pas qu’on la prenne. Civils et militaires ont été au-dessous de la tâche, au-dessous du devoir. Je ne parle pas seulement des traîtres avérés, comme Bazaine, ou des nullités comme Mac-Mahon. La masse du pays, soldats, caporaux, capitaines, ingénieurs, maires, propriétaires, cabaretiers, paysans, tout le monde, selon son grade, a sa part dans la défaite. Ils ont pu se montrer héroïques individuellement, se sacrifier ici et là, faire leur devoir, pékins ou troupiers, et avoir leur part de sacrifice et leur couronne de martyrs. Mais, considérée dans son ensemble, prise en bloc, jugée d’ensemble et de haut, cette masse énorme ne s’est pas défendue. Elle pouvait tout arrêter, tout écraser, en résistant, en demeurant dense et ferme : elle s’est effritée, elle s’est étiolée, au premier choc ; avant même ! Elle a accepté l’invasion avec un fatalisme tout musulman. Les vivres, les lits, les boissons, l’argent, les égards même, et les bonnes filles aussi, ont été mis en réserve sur le passage de nos hommes en débandade pour les Prussiens. On les attendait. Dans certains villages, on pensait, avec espoir, qu’ils apportaient la paix, et peut-être le roi, derrière leurs caissons ; dans d’autres, on se disait avec satisfaction qu’ils payaient bien les denrées, les verres de vin, et que leur présence faisait « aller » le commerce. Avec l’intensité de sa vision qui lui a permis, ayant visité quelques heures une mine, d’en tracer un ineffaçable tableau, l’auteur de Germinal a merveilleusement rendu ce tableau de la lâcheté et de la cupidité paysannes, au contact de l’ennemi. Son père Fouchard, se barricadant et braquant son fusil sur ses compatriotes affamés, résume le rustre des départements envahis. Ah ! si l’on