Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/376

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avait seulement fusillé quelques douzaines de maires et de commerçants de la Moselle, de la Meurthe et des Ardennes, d’abord, en attendant, puis ceux des environs de Paris, et en même temps, si l’on avait, tous les matins, fait fonctionner le peloton d’exécution pour les généraux coupables d’être vaincus, pour les officiers trop disposés à prévoir la défaite, pour les mauvais soldats qui se plaignaient sans cesse, et jetaient la panique dans les rangs, dans la nation tout entière, la France n’eût pas été éventrée du premier coup. Non ! en dépit de quelques magnifiques résistances isolées, on ne s’est pas défendu, on n’a pas été « vendu », comme le criaient les lâches et comme le répètent encore aujourd’hui les imbéciles, on s’est livré. On a dit aux ennemis : Donnez-vous donc la peine d’entrer ! Et ils nous ont écoutés. Oh ! avec hésitation, avec crainte même. On ne s’aventure qu’avec circonspection dans l’antre du lion, même quand il est blessé, au fond de son trou cerné, et qu’il semble n’avoir plus ni dents ni griffes. Jusqu’au jour de l’insulte suprême, la parade, au seuil de Paris, du Ier mars, les vainqueurs ont redouté un réveil, qui ne vint pas. La bête était endormie pour longtemps. Elle dort encore. Il y eut sans doute, et cela sauva l’honneur, protégea la façade, des héroïsmes individuels surprenants et des dévouements locaux admirables. Ces sacrifices exceptionnels ne sauraient faire contre-poids à la défaillance à peu près universelle. Certes on a raison de glorifier la résistance de Châteaudun. Mais en réfléchissant, n’y a-t-il pas quelque honte en cet exemple unique, et s’il y avait eu cent Châteaudun en France, ne devrait-on pas estimer cette défense multipliée comme toute simple et logique ? Encore doit-on considérer que les habitants