Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/39

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ont, du moins, l’excuse, presque toujours, de l’aberration causée par la passion. Mais il se reprit. Il envisagea la réalité et la gravité de son acte. Non seulement il désertait, mais il laissait cette femme faire de lui un voleur ! Il réagit, et ne suivit pas à bord le couple abusant de son amour et de sa confiance. Il ne pouvait espérer rejoindre la fugitive et reprendre l’argent que cette drôlesse et son peu intéressant époux lui avaient subtilisé, profitant de sa faiblesse et de l’affolement qui lui avait fait dire qu’il les accompagnerait, qu’il déserterait. Ce fut alors qu’il chercha la mort dans les flots. Le passage omis de la lettre du colonel établit que Fischer a restitué l’argent du magasin, et qu’il a même fourni le complément nécessaire au paiement intégral du déficit. N’est-ce pas là une preuve complète de la culpabilité des époux Fischer ? Eussent-ils payé les dettes et couvert le déficit de l’officier, s’ils ne lui avaient pas escroqué l’argent dont il était comptable, l’argent retrouvé dans leurs malles ? Il est plus que probable qu’usant de son influence sur lui la femme Fischer avait forcé le faible amoureux à lui remettre son argent, puisqu’il devait l’accompagner en France. Autrement, quel étrange bienfaiteur eût été ce mari, remboursant un détournement commis par l’amant de sa femme ? Fischer mettait ainsi sa compagne et lui-même à l’abri de toute recherche pour complicité de détournement : il n’a pas fait un cadeau, mais une restitution. Il s’agit donc ici d’une affaire d’entôlage et d’un égarement momentané dû à la passion, plutôt que d’une désertion accompagnée de détournement. Le lieutenant soupçonné, comme on l’a vu, ne passa même pas en jugement. Il fut seulement l’objet d’une enquête, à la suite de laquelle il offrit sa démission d’officier, qui