Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme un soldat de la science, comptant les pulsations qui se ralentissent en son cœur engorgé, calculant les minutes de souffle qui lui restent, et se relevant dans un suprême accès d’énergie scientifique, pour consigner de ses mains défaillantes l’heure de sa fin, à la place qu’il s’était réservée au centre du tableau généalogique des Rougon-Macquart. Toute cette fin passionnelle, avec l’analyse délicate des sentiments qui animent Clotilde et Pascal, est admirable. Des tableaux comme Zola sait les brosser : la combustion de l’oncle Macquart, la mort du petit fin-de-race Charles, la nuit d’orage où Pascal rudoie Clotilde et la mate, la dînette dans la maison affamée, et l’alcôve entrevue, où, comme Abigaïl ranimant le vieux roi David, la jeune fille offre au vieil amant l’eau de jouvence de sa beauté, font de ce dernier livre de la série un chef-d’œuvre d’émotion intime et de passion, sinon chaste, du moins honnête. Le Docteur Pascal est à placer à côté de la Page d’Amour, c’est-à-dire au tout premier rang des ouvrages de Zola. Une lumière édénique éclaire cette idylle moderne. Quelques-uns, parmi ceux qui ont l’âge du docteur Pascal, regretteront peut-être qu’ils soient si lointains et si fabuleux, malgré la belle histoire contée par Zola, ces temps d’amour où les patriarches à barbe blanche, en faisant la sieste dans leurs foins, trouvaient à leur réveil, allongée auprès d’eux, timide, aimante et docile, quelque Moabite au sein nu, offrant l’amour et tendant sa coupe de jeunesse, pour que le vieillard puisse étancher sa soif encore vive, et raviver son être au contact d’une chair brûlante sous le dais nuptial du ciel, ayant pour lampe astrale la faucille d’or, négligemment jetée par le moissonneur de l’éternel été, dans le champ des étoiles.