Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/403

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preuves et témoignages. Il faut avoir la tête solide et l’esprit cuirassé contre les assauts du merveilleux pour résister aux coups portés à la raison par Lourdes, dans son ambiance stupéfiante. Le miracle se présente à la pensée, sinon comme probable et vrai, du moins comme possible et non invraisemblable. On se remémore des séries de faits inexplicables qui, sous les yeux de chacun, s’accomplissent tous les jours, sans qu’on en puisse imaginer ni en recevoir l’explication satisfaisante. Des autorités scientifiques, un professeur à l’École polytechnique, à leur tête, essaient de démontrer la possibilité d’un corps dit astral. Les physiciens n’enseignent-ils pas l’existence, dans l’atmosphère, d’un quatrième gaz, jusqu’ici ignoré, qui n’est pas l’oxygène, l’hydrogène ou l’azote ? Et les invraisemblables expériences, pratiquées partout, de la suggestion, de l’hypnotisme ? Et les fluides ! et toutes les déconcertantes découvertes de la science moderne, l’électricité domestiquée, les ondes hertziennes, les rayons cathodiques, le radium qui éclaire, chauffe et brûle sans perdre un atome de sa magique composition ! Nous baignons dans le miraculeux. Le merveilleux nous séduit toujours, et il est interdit de nier absolument ce qu’on ne s’explique pas. On vous opposerait votre ignorance. Il est difficile de soutenir la négation a priori, sans examen ni discussion. Celui qui nie tout, sans motiver son refus de croire, est aussi vain que celui qui croit tout, sans se donner la peine d’examiner sa croyance et de la justifier. Lourdes est donc demeurée, au XIXe et au commencement du XXe siècle, la forteresse de la crédulité et de la superstition. Ce village, dont le renom dépasse celui d’une grande capitale, ne saurait toutefois aspirer à la gloire