Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/43

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il faut le constater à l’honneur de la presse, parmi ceux qui se montraient les plus ardents dans la défense de l’armée, mise en cause sous le prétexte de faire reconnaître l’innocence du capitaine Dreyfus, désapprouvèrent cette attaque contre un défunt, qui n’avait pas songé, avant de mourir, à préparer sa justification. Il ne pouvait prévoir qu’il y aurait, un jour, près de cinquante ans après lui, une formidable affaire politico-judiciaire, à laquelle on le mêlerait pour accabler son fils. L’Éclair, entre autres, un des organes les plus anti-dreyfusards, dit notamment : « On aurait pu mener le bon combat contre le dreyfusisme sans reprocher à M. Zola son père. » Ce fut l’opinion des braves gens des deux camps. Arracher à la tombe le cadavre d’un père, et s’en servir pour assommer le fils, ce n’est ni très humain, ni très beau ; c’est, en même temps, tout ce qu’il y a de plus contraire à l’esprit républicain, à la justice démocratique. Est-ce que les fautes, si fautes il y a, ne doivent pas demeurer personnelles ? Quand bien même on eût prouvé qu’Émile Zola était le fils d’un homme qui avait mangé la grenouille et passé à l’étranger ensuite, cela aurait-il prouvé quelque chose pour ou contre la culpabilité d’un militaire accusé de trahison ? Si Zola père eût été un mauvais soldat et un malhonnête homme, cela eût-il empêché Zola fils d’être l’un des premiers écrivains de son temps ? On pourrait concevoir la haine des partis, fouillant les antécédents et recherchant les tares des parents ou des alliés d’un homme occupant les plus hautes situations politiques. Cela s’est vu, au détriment d’un président de la République. Pour atteindre la République elle-même, avec une aveugle méchanceté, on a publié des faits peu avantageux pour la mémoire d’un membre