Cet « autre » n’allait pas tarder à être désigné. M. Mathieu Dreyfus
écrivait bientôt au ministre de la Guerre que :
La seule base de l’accusation dirigée en 1894 contre son frère,
étant une lettre missive, non signée, non datée, établissant que des
documents militaires confidentiels avaient été livrés à un agent d’une
puissance étrangère, il avait l’honneur de lui faire connaître que
l’auteur de cette pièce était M. le comte Walsin-Esterhazy, commandant
d’infanterie, mis en non-activité pour infirmités temporaires.
L’écriture du commandant Walsin-Esterhazy était, ajoutait-il,
identique à cette pièce.
Sur les documents de Bernard Lazare était fondée cette dénonciation, et la
révision du procès en apparaissait comme l’inéluctable conséquence.
Alors se déroula cette douloureuse suite d’événements : Esterhazy, désigné
comme l’auteur du bordereau, fut déféré au Conseil de guerre. Le procès
eut lieu à huis clos. Il dura deux audiences. Esterhazy fut à l’unanimité
acquitté, le 12 janvier 1898.
Zola, avant le procès d’Esterhazy, était depuis plusieurs mois accaparé
par la défense de Dreyfus. Il avait abandonné ses travaux ordinaires.
Toutes ses habitudes régulières étaient interrompues, bouleversées. Il ne
s’appartenait plus. Il était possédé, comme eût dit un exorciste du moyen
âge.
Les raisons qui le firent se donner tout entier à cette entreprise
hasardeuse de la délivrance et de la réhabilitation de Dreyfus n’ont rien
d’étrange, rien de honteux. D’abord l’intérêt personnel, le lucre doivent
être écartés. La plume de Zola n’était pas à vendre. Il l’a apportée,
cette arme bien trempée, redoutable et fortement maniée, avec spontanéité,
généreusement, comme un soldat de
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