Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/467

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Et comme on avait parlé du bonheur de se reposer dans la certitude d’une foi, avec l’impétuosité d’un apôtre convertissant, prêchant un évangile nouveau, il lança ce magnifique appel au Travail, comparable au divin appel de Renan à la Beauté, dans la prière sur l’Acropole : Et alors pourquoi ne serions-nous pas modestes, pourquoi n’accomplirions-nous pas la tâche individuelle que chacun de nous vient remplir, sans nous révolter, sans céder à l’orgueil du Moi, qui ne veut pas rentrer dans le rang ? Dès qu’on a accepté cette tâche, et qu’on s’en acquitte, il me semble que le calme doit se produire, même chez les plus torturés. C’est à ceux qui souffrent du mystère que je m’adresse fraternellement en leur conseillant d’occuper leur existence de quelque labeur énorme, dont il serait bon même qu’ils ne vissent pas le bout. Et le balancier qui leur permettra de marcher droit, c’est la distraction de toutes les heures, le grain jeté en terre, et, en face, le pain quotidien dans la satisfaction du devoir accompli. Sans doute cela ne résout aucun des problèmes métaphysiques. Il n’y a là qu’un moyen empirique de vivre la vie d’une façon honnête, et à peu près tranquille ; mais n’est-ce donc rien que de se donner une bonne santé morale et physique, et d’échapper aux dangers du rêve en résolvant le plus de travail possible sur cette terre ! Je me suis toujours méfié de la chimère, je l’avoue. Rien n’est moins sain pour les peuples que de rester dans la légende, et de croire qu’il suffit de rêver la force pour être fort. Nous avons bien vu à quoi cela mène, à quels affreux désastres. On dit au peuple de regarder en haut, de croire à une puissance supérieure, de s’exalter dans l’idéal. Non ! non ! C’est là un langage qui, pour moi, semble impie. Le seul peuple fort est le peuple qui travaille, car le travail donne le courage et la foi. Pour vaincre, il est nécessaire que les arsenaux soient pleins, que l’armée soit ensuite confiante en ses chefs, et en elle-même. Tout cela s’acquiert, il n’y faut que du vouloir et de la méthode.