Le prochain siècle est au travail, et ne voit-on pas déjà dans le
socialisme montant s’ébaucher la loi sociale du travail pour tous, du
travail régulateur et pacificateur.
Je vais finir en vous proposant, moi aussi, une loi, en vous suppliant
d’avoir la foi au Travail. Travaillez, jeunes gens. Je sais tout ce
qu’un tel conseil semble avoir de banal. Il n’est pas de distributions
de prix où il ne tombe parmi l’indifférence des élèves, mais je vous
demande d’y réfléchir, et je me permets, moi qui n’ai été qu’un
travailleur, de vous dire tout le bienfait que j’ai retiré de la
longue besogne dont l’effort remplit ma vie entière. J’ai eu de rudes
débuts ; j’ai connu la misère et la désespérance. Plus tard j’ai vécu
dans la lutte ; j’y vis encore, discuté, nié, abreuvé d’outrages. Eh
bien ! je n’ai eu qu’une foi et qu’une force, le travail. Ce qui m’a
soutenu, c’est l’immense labeur que je m’étais imposé. En face de moi,
j’avais toujours le but vers lequel je marchais, et cela suffisait
à me remettre debout, à me donner le courage de marcher quand même,
lorsque la vie mauvaise m’avait abattu.
Le travail dont je parle, c’est le travail réglé, la tâche
quotidienne, et le devoir qu’on s’est fait d’avancer d’un pas chaque
jour dans son œuvre. Que de fois, le matin, je me suis assis à ma
table, la tête perdue, la bouche amère, torturé par quelques grandes
douleurs physiques ou morales, et chaque fois, malgré les révoltes de
ma souffrance, après les premières minutes d’agonie, ma tâche m’a été
un soulagement et un réconfort.
Toujours je suis sorti consolé de ma besogne quotidienne, le cœur
brisé peut-être, mais debout encore. Le travail, Messieurs, mais
songez donc qu’il est l’unique loi du monde, le grand régulateur ;
la vie n’a pas d’autre sens, pas d’autre raison d’être. Nous
n’apparaissons chacun que pour donner notre somme de labeur et
disparaître !
On ne peut définir la vie autrement que par ce mouvement de
communications qu’elle reçoit et qu’elle lègue.
On remarquera la déclaration patriotique contenue dans ce passage du
beau discours de Zola. À rapprocher de ce qui a été dit plus haut dans
l’analyse de la Débâcle. À noter aussi que, dans les trois Évangiles
même dans
Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/468
Apparence
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