Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/136

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honneur aux modestes victuailles apportées de la cantine. Il répondit entre deux bouchées, presque gaiement, pour se persuader qu’il était entièrement hors de danger : « Sûrement, ils ne reviendront pas ! » Ils revinrent.

MEURTRE DE M. DE L’ESPÉE

On a observé, dans les assemblées parlementaires, que, lorsqu’il y a une séance de nuit, quand l’interruption des débats a permis aux membres présents d’aller se restaurer, et qu’ils rentrent, lestés, échauffés, quelques-uns congestionnés et ne possédant plus le sang-froid de l’avant-dîner, cette seconde partie de la journée parlementaire est toujours plus tumultueuse que la première. Des colloques trop animés se produisent, souvent des outrages sont lancés, et parfois des rixes s’ensuivent entre collègues surexcités. Il n’est donc pas étonnant que, dans un milieu non parlementaire, plus prompt aux violences et dépourvu des habitudes d’égards relatifs et des ménagements qu’on se doit entre membres d’une même assemblée, les réunions interrompues, reprises après le repas, ne tournent rapidement aux manifestations agressives. L’atmosphère refroidie dans la salle du conseil de l’Hôtel-de-Ville, pendant l’absence de la plupart des violents et des excités, se réchauffa promptement. Les faces terreuses des mineurs, les visages noircis des travailleurs du fer se coloraient, et les mains crispées serraient impatiemment les crosses, laissaient les fusils lourdement retomber sur le plancher. Un nommé Fillion, énergumène connu, considéré comme un dément, s’était faufilé dans les groupes, et, parvenu au premier rang, s’était rapproché du préfet. Cet homme poussait des grognements confus, où il y avait des menaces au prisonnier et des reproches à la foule sur son inertie. « Il faut qu’il