Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/154

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L’occupation de la gare Saint-Charles et de Notre-Dame de la Garde, d’où l’on eût dominé la ville et maintenu en respect toute résistance réactionnaire, était la première disposition à prendre : Crémieux se borna à prononcer des discours et à se disputer avec les délégués du Comité Central arrivés de Paris. Ceux-ci s’agitèrent en vain. Landeck[1] se montra, comme partout, un brouillon. Il découragea Crémieux, dont il dénonçait le modérantisme, parce qu’il proposait de relâcher les fonctionnaires arrêtés comme otages, dont la Commune ne savait que faire. Crémieux donna sa démission au conseil municipal. La Commission départementale offrit de se retirer avec lui. Le Conseil municipal ne répondit pas à cette offre. La Commission ne bougea plus et s’endormit. Landeck prit alors un arrêté plus violent qu’utile : il déclara le général Espivent de la Villeboisnet[2] déchu de son commandement ; et lui donna pour successeur un ancien sous-officier de cavalerie, Pélissier, qui était bègue. Le secrétaire général, qui remplaçait le préfet, Henry Fouquier, le journaliste bien connu, se réfugia à bord de la Couronne. Il y reçut l’avis que les troupes d’Espivent allaient arriver d’Aubagne pour reprendre de force la préfecture. La Commission

  1. Landeck, joaillier, 39 ans. Mêlé au procès de Blois sous l’empire, renia son affiliation à l’Internationale et fut acquitté. Candidat à la Commune, n’obtint que 2,043 voix dans le 3e arrondissement. Délégué à Marseille par le Comité Central, il revint à Paris, après l’insuccès de la Commune dans cette ville. Remplit les fonctions de Commissaire aux délégations judiciaires. Lissagaray a dit de lui : « Ce n’était en réalité qu’un cabotin de foire, ne doutant de rien, parce qu’il ignorait tout. »
  2. Henri Espivent de la Villeboisnet, né à Londres en 1813, entré à Saint Cyr en 1830, aide de camp du général Bedeau en Afrique, colonel après le coup d’état, général de division le 14 juillet 1870, commandant le 15e corps à Marseille. Il appliqua avec rigueur l’état de siège, illégalement établi, ferma les cercles, supprima les journaux républicains. Il fut mis dans le cadre de réserve, en 1878. à Nantes. Elu sénateur de la Loire-Inférieure en 1876, il siégea à l’extrême-droite et vota toutes les lois et mesures anti-républicaines. Le pape, en reconnaissance de ses services, le fit comte romain.