Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/164

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sailles deviendrait un péril pire pour la patrice ; elle ramènerait les allemands et menacerait l’intégrité de la France. On croyait sincèrement cela hors des murs parisiens. C’est pourquoi la province demeura sourde et paralytique, quand Paris lui criait de bouger, l’appelait au secours ; elle se vanta même de n’avoir point voulu entendre, de n’avoir point voulu marcher.

Elle eût cependant répondu à un appel, à un seul. Il eût fallu qu’on lui criât, qu’on lui prouvât plutôt, que la République était sérieusement menacée, et que, si la province n’accourait pas défendre le drapeau républicain, les monarchistes à Versailles voudraient l’arracher, l’Assemblée allait rétablir un roi. Alors cette province, devenue presque unanime, se serait dressée furieuse et terrible. Assemblée, Gouvernement, Thiers, les préfets, les fonctionnaires, tout eût été balayé en quelques jours, en quelques heures même, Si les départements républicains eussent été persuadés que la République appelait réellement au secours, et qu’elle allait inévitablement succomber si on ne courait sus aux assassins déjà la serrant à la gorge, ils se fussent lancés en masse. Mais personne ne comprit ce cri de détresse, personne ne crut à la tentative d’assassinat, et ce fut la suprême habileté de M. Thiers de nier le guet-apens et de masquer les conspirateurs. Ceux qui essayèrent d’appeler les départements aux armes contre les étrangleurs soupçonnés ne purent justifier de la vérité du péril, ni démasquer les bandits déguisés. Ceux-ci surent garder leur masque. Quand ils osèrent le délier, il était heureusement trop tard pour que l’attentat pût réussir. Grâce à la Commune de Paris, grâce au sacrifice de ses défenseurs et au sang de ses martyrs, l’opinion fut avertie et les monarchistes intimidés n’osèrent pas sortir leur roi. Quand ils se hasardèrent à tenter leur coup, la France républicaine avait eu le temps