Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/230

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bistré, sa physionomie et son allure décelaient l’énergie ou plutôt l’opiniâtreté. On a volontiers raillé ses prétentions militaires et exagéré son incapacité. On s’égaya à ses dépens, mais surtout par le fait de la rédaction bizarre de la dépêche envoyée par son chef d’état-major Henry. Depuis, le sobriquet « lui-même » devint inséparable de son nom, injustement.

La bravoure de Bergeret fut incontestable. Il produisit pourtant sur les gardes, au combat du 3 avril, une impression plutôt fâcheuse, ne pouvant monter à cheval, par suite d’une infirmité (une hernie ?), il se fit conduire au feu en voiture. Un général ne devant pas combattre « lui-même », c’est plutôt par suite de l’habitude qu’on a de se représenter les chefs caracolant au milieu d’un nombreux état-major, dans les revues et les tableaux de bataille, que Bergeret déconcerta ses hommes par l’emploi de son véhicule bourgeois. Il est probable que, dans les guerres futures, les généraux les plus cavaliers n’useront pas plus que lui du véhicule équestre : ils conduiront les armées et suivront les routes de bataille en automobile. La voiture, si elle semble dépourvue du caractère martial, n’est pas un abri, et Bergeret, durant le combat du 3 avril, eut les deux chevaux de sa calèche, tués « devant lui », dit-on malicieusement. Cela prouvait du moins qu’il était à proximité des obus et aussi exposé qu’un général monté.

On ne saurait reprocher à Bergeret, ni le plan de sortie, dont il était le principal auteur, ni la précipitation de la marche en avant, imposée et accomplie dans un élan irrésistible des bataillons, mais on peut avec raison blâmer le défaut de préparation au point de vue des services d’éclaireur, de l’artillerie, des soutiens et aussi des munitions et des vivres ; par-dessus tout, on doit incriminer la légèreté incroyable avec laquelle il mena ses troupes sous le feu du