Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/240

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serait passer les fédérés à sa portée sans tirer ? La faute principale, et cela n’innocente pas Bergeret, n’excuse pas la Commission Exécutive, fut commise sous l’inspiration de la trahison, ou tout au moins par la complaisance secrète et calculée de Lullier envers M. Thiers, dans le but de se ménager sa bienveillance ultérieure. Lullier devait prendre le Mont-Valérien lorsque la chose était non seulement possible, mais sans dangers ni difficultés, quand la garnison était réduite à quelques chasseurs sans armes, et en état d’in discipline confinant à la rébellion. La culpabilité indéniable de Lullier n’excuse pas l’aberration criminelle de Bergeret. Comment, avant d’engager des hommes sur la route que le fort dominait, et dans l’intention de le contourner, n’a-t-il pas envoyé un bataillon en éclaireur ? Pourquoi, dès que l’avant-garde eût atteint le rond-point des Bergères, n’a-t-il pas fait sommer le commandant de livrer la forteresse ? Le gros de l’armée eût attendu la réponse à l’abri, protégé par les maisons de Puteaux, par les plis du terrain et les détours de la route, sans dépasser le rond-point de Courbevoie. Si la réponse avait été négative ou simplement évasive, si un bataillon n’était pas admis à pénétrer dans la forteresse, la prudence élémentaire ordonnait de ne pas avancer davantage. La sortie pouvait toujours se faire plus tard ou se continuer le jour même, mais en modifiant le plan arrêté, en changeant d’itinéraire. Au lieu de chercher à passer sous le fort et à le contourner, on l’eût enveloppé, cerné, et on eût demandé à Paris de la grosse artillerie. En occupant fortement les bois d’alentour, en barricadant Montretout, Suresnes et Garches, on isolait la garnison et le fort, on coupait ses communications avec Versailles. Exposé à un bombardement, qui serait suivi promptement d’un assaut irrésistible, étant données les forces des assaillants, le commandant eût été obligé de se rendre s’il n’était se-