Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/289

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retenir dans ses murs. La sortie avait été non seulement insuffisamment préparée, mais aussi décidée beaucoup trop tard, nous l’avons démontré. La marche sur Versailles n’était possible, ne pouvait être victorieuse, que tentée avant que le gouvernement en fuite ne fût revenu de sa surprise, et surtout avant qu’une armée ait pu et réorganisée. Au lendemain du 18 mars, au milieu de la stupeur effarée des ministres et des généraux à Versailles, quand à Paris l’enthousiasme et l’élan des gardes nationaux étaient dans toute leur intensité, la ruée d’une cohue indisciplinée, aventureuse, où tous les éléments combatifs, les bons, et les douteux, étaient confondus et comme amalgamés, avait d’énormes chances de réussite. Ces chances diminuèrent de jour en jour. La foule agglomérée, pouvant faire balle sous la pression du premier moment, se désagrégeant, boulet qui redevenait grenaille, n’était plus qu’une force prête à s’éparpiller. Le bloc insurrectionnel formidable se muait en friable poussière d’hommes.

Bataillons, compagnies, escouades s’étaient portés en avant, au hasard, dans un pêle-mêle aventureux et fantaisiste. Chacun, selon son initiative, son quartier, ses camarades, avait suivi le chef à sa convenance, correspondant le mieux à son opinion, à son engouement, à l’idée qu’on se faisait de sa capacité guerrière. Tel bataillon qui aurait dû suivre Eudes marcha ainsi avec Duval, et le bataillon voisin, de l’arrondissement de Duval, se rangea derrière Bergeret. La grande sortie aurait dû être précédée d’un tiercement, exécuté avec soin et prudence. Sans s’arrêter à la distinction d’âge, ce qui n’était pas du tout un procédé utile, on eût obtenu une sélection relative, et les hommes paraissant les plus solides, les plus capables de soutenir le feu, eussent formé les têtes de colonnes dans chaque corps d’armée.