Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attirer le redoutable adversaire de l’empire, non pas dans un duel loyal, mais dans un guet-apens.

Ce fut l’infortuné Victor Noir qui tomba dans le piège. On connaît dans ses détails cette tragique histoire. Paschal Grousset revendiqua la responsabilité de son article, n’entendant pas que le prince lui substituât Henri Rochefort. Il envoya donc à Pierre Bonaparte des témoins : Ulrich de Fonvielle et Victor Noir. Ce dernier ne sortit pas vivant de la maison d’Auteuil. Cet assassinat fut prémédité. Il y eut seulement méprise ou déception. Pierre Bonaparte, ne trouvant pas Rochefort en face de son pistolet, se satisfit en tirant sur le pauvre Victor Noir, comme à la chasse faute de grive on tue un merle. Ce meurtre souleva une émotion considérable. Le jour des obsèques de Victor Noir, on put croire qu’une insurrection éclaterait et que l’ouragan populaire balayerait le régime impérial. Ces événements avaient mis en lumière Paschal Grousset. L’empire, au lieu d’arrêter l’assassin, s’était empressé de jeter en prison et de garder au secret, pendant deux mois, celui qui avait failli devenir aussi sa victime.

Paschal Grousset prit, après le procès et l’acquittement scandaleux du prince, la direction de la Marseillaise, mais à la chute de l’empire il déposa la plume et s’engagea dans le 18e bataillon de chasseurs à pied. Au moment du 18 mars, il dirigeait des journaux très avancés, l’Affranchi, la Bouche de fer, le Nouvelle République. Il fut élu membre de la Commune, le 26 mars, par 13,359 voix dans le XVIIIe arrondissement (Montmartre). Nommé à la délégation aux Relations Extérieures (ministère des Affaires étrangères), il y eut une situation fort difficile : les rapports avec les allemands rendaient même la position périlleuse. On ne savait pas exactement, à Paris, ce que voulaient les allemands. Cherchaient-ils à provoquer des conflits pouvant