Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/341

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j’y étais ! » C’est là une belle épitaphe à mettre sur la tombe de ce sociologue humanitaire que de rares disciples, dont le plus fervent fut son gendre, Auguste Desmoulins, ont continué longtemps à visiter lors de l’anniversaire du 14 avril. Pierre Leroux n’a eu qu’une influence lointaine sur les hommes de la Commune, bien que plusieurs socialistes notoires fussent ses admirateurs, quelques-uns ses amis. Ses théories humanitaires et pacifiques étaient contredites par les événements violents qui se précipitaient. Il résumait en lui la philosophie vaguement mystique et les sentiments fraternitaires de la plupart des hommes de 48. Il avait éprouvé une angoisse cruelle en entendant le canon de juin, vingt-deux ans auparavant ; il rendit le dernier soupir en percevant d’une oreille affaiblie la canonnade de la Porte-Maillot.

« À peine sorti d’un sommeil de cinq jours et de cinq nuits, a dit son biographe Desmoulins, dans lequel l’apoplexie l’avait plongé, il n’a rouvert les veux un moment que pour les fermer dans la mort. Aux angoisses du suprême instant se sont ajoutées pour lui les douleurs de cette terrible guerre civile qui donnait à ses doctrines de paix et d’amitié un démenti si cruel ! »

La Commune décida l’envoi de deux de ses membres aux funérailles de Pierre Leroux, en déclarant qu’elle rendait hommage, non au philosophe partisan de l’école mystique « dont nous portons la peine aujourd’hui ». disait l’arrêté, mais à l’homme politique qui, lors des journées de juin, avait pris courageusement la défense des vaincus.

Les funérailles eurent lieu le vendredi 14 avril, à onze heures du matin, au cimetière Montparnasse. Peu de monde assistait aux obsèques. La veille, on avait conduit au Père-Lachaise le colonel Bourgoin, du 189e bataillon, tué au pont de Neuilly : le bataillon entier l’avait accompagné, et une