Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/64

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brume suspecte, soigneusement entretenue par des ennemis ou des jaloux, épaissie par toutes les réactions, entoure encore cette physionomie célèbre, et en même temps indistincte et obscure. Aucun homme n’a été autant méconnu ni plus calomnié que Blanqui.

Cet épisode douloureux de sa vie fut l’invention absurde et scélérate d’un certain Taschereau, qui, en 1848, publia dans sa Revue Rétrospective un prétendu document trouvé dans les cartons du ministère et qui semblait établir des révélations faites au pouvoir par Blanqui, au sujet de la conspiration devant aboutir à l’émeute de 1839. C’était invraisemblable et sot : le conspirateur, l’insurgé, le prisonnier, le martyr que fut perpétuellement Blanqui, devenu tout à coup, et sans autre intérêt que d’être renfermé dix ans au Mont-Saint-Michel, un délateur, un instrument de la police ! Mais les plus imbéciles suppositions trouvent, en politique, des oreilles crédules pour les recevoir et des bouches malveillantes pour les propager. Barbès et d’autres excellents républicains, envieux ou prévenus, eurent le tort grave d’accueillir trop facilement les calomnies de Taschereau, et de ne pas leur opposer une vigoureuse réfutation. Blanqui se défendit du reste avec l’indignation de l’honnête homme victime des drôles. Toute sa vie constituait une réfutation. M. Gustave Geffroy, dans son livre excellent l’Enfermé, a fourni tous les éclaircissements nécessaires sur cette ténébreuse machination, qui troubla, empoisonna même, une partie de l’existence du malheureux vaincu, si éprouvé par ailleurs.

Le peuple pour qui Blanqui a passé quarante années dans les cachots, le peuple pour qui il offrit sa vie en maintes circonstances, le peuple dont il poursuivait l’affranchissement, l’avènement, selon sa devise : Ni Dieu ni maître ! a ignoré et mal connu ce grand citoyen. Un souvenir con-