Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/74

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échangé des vues avec les comités, et préparé une lutte en commun. Le soulèvement général eût été concerté. On eût attendu le jour où le signal de l’insurrection serait donné à Paris. La province eût aussitôt tenté d’y répondre. Peut-être même eût-elle devancé, comme cela s’était vu dans certaines villes au 4 septembre. Mais Paris avait été surpris, le 18 mars ; la province le fut aussi. Elle avait appris en même temps, par M. Thiers, l’attaque et l’insurrection par la provocation sur la Butte suscitée, « dont l’étouffement était certain à bref délai », ajoutaient les dépêches officielles. Paris et la province, comme des parents qu’un événement a éloignés, cessèrent de s’intéresser à leurs aspirations réciproques. Ce n’était pas la brouille, mais la froideur.

M. Thiers vit nettement la situation, dont le sens échappait aux parisiens. Avec le concours des départements, l’insurrection pouvait devenir une révolution, et le gouvernement, en s’enfuyant de Paris comme le dernier des Valois, comme le dernier des Bourbons, comme Louis-Philippe, comme les ministres de Napoléon III, semblait laisser derrière soi tout espoir d’y rentrer. La Commune, acceptée par la France, devenait viable, établissait un régime nouveau, et n’avait plus qu’à faire régulariser son gouvernement provisoire, en attendant la réunion d’une Assemblée nouvelle, nommée avec mandat, non plus d’accorder des milliards et trois départements aux prussiens, mais de donner aux français une constitution républicaine. M. Thiers avait aussitôt compris que la clef stratégique et le secret de la victoire étaient hors des murs de Paris. Si la province bougeait à peine ou pas du tout, si les grandes villes ne soutenaient pas énergiquement et immédiatement la Commune, si enfin le gouvernement provisoire de Paris n’était pas sur-le-champ accepté, acclamé, la capitale ne devenait