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PAUL VERLAINE

reur du tableau. C’étaient les trémolos farouches accompagnant ce drame lugubre et superbe. L’arrivée des victorieux, les péripéties finales, et le dénouement proche étaient signalés par cet orchestre farouche.

La poudrière du Luxembourg éclata au moment où nous venions de nous asseoir dans la salle à manger pour déjeuner. Cette pièce donnait sur la cour de la maison. Ce fut une secousse violente dans tout le quartier. Les vitres tremblèrent et la vaisselle s’entrechoqua sur la table.

— Ah ! s’écria Verlaine, voilà le Panthéon qui va tomber dans mon assiette !…

Et il s’enfuit de rechef vers le cabinet noir.

Par moments, Verlaine, en geignant, s’informait de sa mère, de sa femme aussi, mais moins anxieusement. Il disait mollement qu’il était un misérable de rester là, bien à l’abri, et qu’il devrait sortir, s’informer de ce qu’étaient devenues les deux femmes.

Enfin, elles arrivèrent. La mère fut la première rendue. Elle venait de loin, des Batignolles. Elle avait dû traverser tout Paris, à pied, au milieu des barricades à demi détruites, parmi des ruines, des cendres, et des tisons fumant encore. Il lui avait fallu, à plusieurs reprises, passer auprès de corps tout chauds qu’on venait de fusiller, et prendre garde de ne pas laisser tremper sa jupe dans des flaques de sang frais. Mme  Verlaine mère, veuve d’officier, n’approuvait nullement la Commune. Elle ne put s’empêcher de témoigner l’impression d’horreur que lui causait cette répression inexorable, qui cependant n’était qu’à son début, et plutôt alors légitime, ou tout au moins excusable, justifiable, la lutte durant encore.

Le récit de Mme  Verlaine mère nous engagea, Émile Richard et moi, à faire des préparatifs de départ. L’en-