Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
VERLAINE EMPLOYÉ

droit devenait peu sûr. L’appartement de Verlaine n’avait pu être qu’un asile momentané, bien que le propriétaire et les locataires de la maison fussent plutôt favorables. Aucun ne témoigna l’intention de dénoncer deux intrus, deux hôtes étrangers à la maison. Mais ces bonnes dispositions pouvaient changer. Quand la Commune apparaîtrait définitivement vaincue, notre présence devenait pour eux un danger. Le plus prudent était de décamper. La retraite était périlleuse. Le long du quai, rasant les maisons, en file indienne, des soldats d’infanterie cheminaient ; ils devaient faire leur jonction à la place du Trône (aujourd’hui place de la Nation), avec d’autres régiments de la division Susbielle, ainsi que je l’appris par la suite.

Si nous tombions au milieu de ces hommes fatigués, irrités, ayant eu des leurs tués, déjà entraînés au massacre et prêts à fusiller ou à embrocher tout ce qui passerait de suspect à portée de leurs armes, pour la première fois victorieuses, notre compte pourrait être promptement réglé. On ne s’attarderait pas à nous laisser donner des explications, on ne nous demanderait rien que de nous coller sans difficulté, au mur. D’un autre côté, demeurer chez Verlaine, c’était s’exposer à être pris par les policiers qui devaient suivre les combattants, c’était aussi compromettre l’excellent garçon, qui, en somme, nous avait permis d’attendre, de souffler un peu, de nous restaurer et de gagner du temps, ce qui est quelquefois gagner la vie.

Le hasard, la chance, la veine, qui rarement m’ont favorisé dans la suite des jours, mais que j’ai cependant rencontrés à propos, en deux ou trois circonstances décisives, intervinrent ici en ma faveur. Mon camarade Émile Richard en profita.