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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/127

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VERLAINE EMPLOYÉ

le quartier, inquiet sur leur sort, au milieu de ces combats et de ces incendies, je voudrais bien regagner mon domicile, avec le camarade qui m’accompagnait. Nous étions attendus aux Batignolles.

— Tu ne pourras pas passer, me dit un sous-officier ; mais je vais te donner un homme, il t’escortera jusqu’au Pont-Neuf, une fois le pont franchi, les passages sont libres…

J’acceptai vivement l’offre, je remerciai, pas trop chaleureusement, pour ne point laisser soupçonner l’importance de cette conduite militaire, et, après un verre payé à l’homme qui me fut donné comme guide, je quittai, avec Émile Richard, le 1er bataillon du 110e de ligne, au milieu des « bonjour, Parisien ! » et des « comment qu’ça va ? » poussés à chaque pas par les hommes rencontrés, immobiles ou assis sur la bordure du trottoir, et me reconnaissant avec étonnement et plaisir.

Ce fut ainsi qu’en compagnie d’Émile Richard je pus franchir la zone dangereuse, traverser le Pont-Neuf, non sans avoir fait halte aux pompes de la préfecture de police incendiée, place Dauphine. Là, il fallut manœuvrer sous l’œil soupçonneux des agents. Moment critique, car nous pouvions être reconnus, signalés. Alors, c’était le peloton immédiat, avec ou sans coup de grâce. Enfin, je gagnai les hauteurs du 9e arrondissement, par des voies toujours tranquilles, presque désertes, en ces jours de combat, les rues Sainte-Anne, Grammont, Taitbout, d’Aumale et La Rochefoucauld. J’allai frapper chez Charles de Sivry, beau-frère de Verlaine, demeurant 65, rue La Rochefoucauld, pour lui donner des nouvelles de sa sœur et de Paul, et en même temps pour envoyer prévenir ma mère que j’étais sain et sauf, depuis