Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
PAUL VERLAINE

prodigieusement grossie et trop sévèrement punie. Il pouvait être coupable seulement, au point de vue administratif, d’une démission de fait, d’une absence prolongée dans des conditions normales, que les circonstances exceptionnelles de 1871 pouvaient excuser. Le successeur de Floquet aurait dû le considérer comme un amnistié.

Il était encore temps de préserver sa santé et de redonner à son talent une direction nouvelle, en assurant au poète le pain quotidien, en le ramenant à une régularité d’habitudes et d’existence, sinon complètes, du moins assez persistantes pour éviter l’affaiblissement de l’organisme et l’appauvrissement de la production, qui furent le résultat du rejet de cette requête.

Sous l’ancienne monarchie, les pensions sur la cassette, les charcres auprès des grands personnages, les sinécures administratives, ont sauvé bien des gens de lettres, et ont enrichi le patrimoine littéraire de notre pays de trésors précieux. Il est regrettable que, dans une démocratie, un grand poète, comme Paul Verlaine, républicain depuis son âge d’homme, patriote, victime même de l’exagération de ce patriotisme, n’ait pu être admis à rentrer dans une administration, dont il avait fait partie autrefois, et qu’il n’avait quittée que pour des motifs nullement déshonorants, et à la suite d’événements anormaux, au milieu d’une crise extraordinaire. Verlaine redevenu employé, retrouvant sa place aussi dans la vie littéraire et sociale, c’était Verlaine conservant l’existence, et ajoutant à ses meilleures œuvres, conçues dans la sécurité et la régularité forcées de la prison, des ouvrages aussi supérieurs, aussi achevés que Sagesse ou les Romances sans paroles. Il eût écrit dans la tranquillité d’une sinécure bureaucratique, équivalant, pour les