Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/184

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Sivry et quelques autres, aucun des anciens ne fréquentait plus la nouvelle maison de la vieille, que Catulle Mendès a décrite. Les décadents, les mystiques, les magnifiques, coudoyaient les fumistes poétiques des brasseries à guignols, et de vagues anarchistes y venaient causer de bombes inédites et d’explosifs nouveaux, en faisant sauter les bouchons du champagne à trois francs, qui coulait, comme par le passé, à flots. L’infortunée Nina eut la cervelle à la fois brisée par toute cette trépidation ambiante, et sa raison, avec tout le ressort de son âme, se cassa dans cette bousculade où elle s’était jetée, et où on l’avait maintenue. Elle se saoulait de tapage, elle, musicienne délicate, comme son mari d’alcool frelaté. Elle est morte démente.

La présence de ce mari, dont elle était séparée depuis de longues années, étonna mais n’indigna personne. On n’était ni formaliste ni bégueule, chez Nina, et puis, on supposa qu’à ses derniers moments, entre deux crises, la pauvre aliénée avait témoigné le désir de revoir celui dont elle avait porté le nom. Callias, d’ailleurs, se conduisit en parfait gentleman, durant toute la cérémonie. Ceux qui ignoraient l’histoire de ce singulier ménage pouvaient croire que c’était un veuf affligé rendant les derniers devoirs à son épouse regrettée.

Les obsèques terminées, c’est-à-dire le petit cercueil d’enfant, contenant la pauvre poupée, descendu dans la terre, Callias, sans tenir son rôle jusqu’au bout, et sans se placer dans l’alignement classique de l’allée funèbre, afin de recevoir la poignée de main de condoléance des assistants se retirant, s’éclipsa le premier, à travers les tombes. On admit, le monde n’est pas toujours malveillant, que ce rapide éloignement était affaire de convenance, vu sa situation d’époux séparé. Ce fut Charles